Il pleut sur Averno City. Encore.
Mais cette fois, ce n’est pas juste une averse. C’est une pluie de pixels, de néons, d’ambitions démesurées et d’amours inavouables pour les années 80. The Precinct est là, et sous ses allures de série B aux épaules larges et au regard fatigué, il cache un cœur qui bat fort. Très fort.
Plateformes : PC
Développeur : Fallen Tree Games Limited
Éditeur : Kwalee, Microids
Sortie : 13 mai 2025
Développé par Fallen Tree Games — un studio britannique d’à peine 15 personnes, qu’on imagine volontiers réunies dans une pièce aux murs couverts de posters de RoboCop et de Miami Vice — The Precinct est un jeu de flics. Pas de super-flics qui sauvent le monde en tongs, non. Des flics qui rédigent des PV, qui courent après des voleurs de voitures, qui mangent des donuts et qui se demandent parfois pourquoi ils font encore ce métier.
Et vous savez quoi ? Ça marche. Diablement bien, même.

On incarne Nick Cordell Jr., un jeune flic propulsé dans les rues crasseuses d’une ville corrompue jusqu’à l’os. La narration, volontairement cliché, alterne entre polar noir et sitcom décalée. Un peu comme si Max Payne avait eu un enfant illégitime avec Brooklyn Nine-Nine, mais élevé par L.A. Noire dans un quartier mal famé. Mais ce n’est pas tant l’histoire qui nous accroche que l’ambiance.
Averno City, c’est une claque visuelle et sonore. Le jeu adopte une vue isométrique stylisée, avec une direction artistique qui évoque les films de série noire baignés dans la lumière crue des réverbères et le reflet des flaques d’eau. Et cette pluie, bon sang, cette pluie ! Elle tombe avec un naturel confondant, ruisselle sur le bitume, claque contre les pare-brise. Elle donne envie de rester là, sous un porche, à écouter les sirènes hurler au loin.
La bande-son, quant à elle, est une pure merveille. Synthés vrombissants, nappes mélancoliques et petites touches jazzy, elle accompagne chaque patrouille, chaque course-poursuite et chaque moment de solitude dans les rues désertes. On se surprend à rouler lentement, juste pour le plaisir d’écouter la musique et regarder la ville vivre.

La vue isométrique, c’est le pari un peu rétro de The Precinct, et c’est aussi l’une de ses plus belles réussites. Loin de l’overdose de caméras à l’épaule tremblotantes ou de vues FPS impersonnelles, ici, on plane au-dessus de la ville comme un ange gardien fatigué. Cela donne au jeu une lisibilité immédiate, presque tactile : on anticipe les courses-poursuites, on lit les carrefours comme une carte de Tarot, et on admire les effets de lumière danser sur les toits et les flaques. Cette perspective donne aussi au titre un petit côté maquette vivante, comme si Averno City était une ville en miniature posée sur une étagère, qu’on observe avec fascination, entre deux tasses de café noir. Un choix esthétique qui renforce l’ambiance unique du jeu et rappelle que parfois, prendre du recul, c’est voir plus clair.

Côté gameplay, The Precinct navigue entre plusieurs influences. Il y a un peu de GTA des débuts dans la liberté offerte : patrouiller, intervenir sur des crimes, poursuivre des suspects en voiture ou à pied, gérer les appels radio. Mais il y a aussi une dimension plus procédurale, plus terre-à-terre. Parfois, on remplit de la paperasse. Parfois, on arrête un type pour excès de vitesse, et il s’avère qu’il transportait un cadavre dans le coffre.
Et c’est là que le jeu brille : dans cette alternance constante entre le banal et l’absurde.
Un jour, vous régulez la circulation. Le lendemain, vous poursuivez une voiture qui finit dans le fleuve, avant d’interroger un clown à moitié ivre sur un trafic d’organes. L’humour est là, grinçant, jamais appuyé. Le jeu joue avec les codes, mais il les respecte. Il a du cynisme, mais aussi de la tendresse.

Ce qui force le respect, c’est qu’un jeu aussi riche, aussi vivant, sorte des mains d’une équipe de 15 personnes. On sent que chaque ruelle, chaque quartier, chaque ligne de dialogue a été peaufinée avec amour. Il y a une vraie personnalité ici, quelque chose de rare dans un paysage vidéoludique souvent trop calibré.
Alors oui, il y a des bugs. Des PNJ qui traversent les murs, une IA qui fait parfois n’importe quoi, quelques collisions capricieuses. Mais ce sont de petits accrocs dans une toile bien plus vaste, bien plus sincère. Et puis, on peut foutre une amende à un type mal garé devant un kebab pendant qu’un hélicoptère s’écrase en arrière-plan. Avouez que ce n’est pas rien.
MON AVIS
The Precinct, c’est une lettre d’amour cabossée aux années 80, à la pluie de néon et aux flics fatigués. Un jeu qui n’a pas peur d’être à la fois beau, drôle, et mélancolique. Un jeu qui ne révolutionne rien, mais qui fait tout avec une telle sincérité qu’on lui pardonne presque tout. Et surtout, un jeu qui donne envie d’y retourner. Encore. Juste une dernière patrouille.
TRÈS BIEN
Points forts
- Ambiance 80s sublime
- Gameplay libre et varié
- Humour noir bien dosé
Points faibles
- Quelques bugs
- Interface brouillonne
- Des zones un peu vides
Test effectué sur :
PC (Steam)