Bob l’éponge qui fait des roulades dans un donjon, Katara qui lance des sorts dans une crypte ensorcelée, Leonardo qui tank un golem en parlant d’honneur pendant que Zim pose des pièges dans un marécage magique. Ça ne s’invente pas. Ou plutôt si, justement : Nicktoons: The Dice of Destiny, c’est ce genre de croisement improbable entre un RPG d’action très classique et un carnet de dessins d’enfant tombé dans une faille dimensionnelle.
Plateformes : Nintendo Switch, PC (Microsoft Windows), PlayStation 5, Xbox Series X|S
Développeur : Fair Play Labs, Petit Fabrik
Éditeur : GameMill Publishing
Sortie : 30 septembre 2025
L’idée de départ est géniale : prendre les héros les plus bruyants, colorés et inadaptés au sérieux de la fantasy, et les coller dans un monde à base de quêtes, de portails, de dés magiques et de boss aux noms génériques comme “le Maître du Vide” ou “le Roi Oublié de la Caverne du Temps”. Là-dessus, le jeu ne ment pas : c’est un terrain de jeu assumé, bordélique, rigolo, où chaque personnage a son rôle. Le guerrier, la soigneuse, le magicien, le voleur… sauf qu’ici, le voleur a des oreilles d’extraterrestre et le mage sent le savon.
Et au début, ça fonctionne. Les premières heures sont franchement agréables : on explore, on tape, on débloque des personnages, on rit bêtement quand Bob l’éponge fait une blague en pleine invocation. On lance des dés qui donnent des bonus un peu absurdes, on équipe une spatule enchantée +3, et on s’étonne presque de voir à quel point le tout est jouable.
L’action est fluide, les contrôles tiennent la route, et même si l’on ne ressent pas le poids des coups comme dans un vrai beat’em all, l’ensemble fait illusion. On prend du plaisir à progresser, à alterner entre les héros, à découvrir les nouvelles zones. Les enfants s’amusent, les adultes sourient en coin, les trentenaires versent une petite larme à chaque dialogue de Leonardo.
Mais très vite, une forme de lassitude s’installe. Elle est douce, pas agressive. Elle s’installe comme un courant d’air sous une porte : on ne la voit pas arriver, mais on finit par grelotter. Tous les donjons se ressemblent. Les ennemis aussi. Les sorts manquent de variations. Le loot est d’une platitude cosmique. Le fameux système de dés — promis comme mécanique centrale — se résume à un gimmick passif que l’on oublie dès qu’un ennemi un peu costaud fait irruption à l’écran. Et soudain, ce qui ressemblait à un parc d’attractions commence à ressembler à une aire de jeux municipale le lundi matin.
Alors on se tourne vers le multijoueur. Et là, surprise : c’est sans doute le meilleur morceau du gâteau. En coop locale ou en ligne, le jeu gagne une seconde vie. Les combats deviennent chaotiques, les erreurs se transforment en éclats de rire, et les dialogues entre personnages — pourtant sans doublage français, ce qui est vraiment dommage pour un jeu familial — prennent une autre dimension lorsqu’ils sont lus à voix haute par quelqu’un qui fait la voix de Zim avec conviction. En groupe, on oublie plus facilement les couloirs répétitifs, les monstres paresseux, les systèmes sous-développés. On partage la légèreté. On survole les défauts. Et on rigole. Beaucoup.
C’est pour cela qu’il est difficile d’en vouloir totalement à Nicktoons: The Dice of Destiny. Car oui, objectivement, c’est un jeu limité. Le potentiel était là, criant, presque arrogant — et il n’a pas été pleinement exploité. L’univers méritait un vrai souffle, un chaos contrôlé, une narration plus folle, une personnalisation plus profonde. À la place, on a un bon petit jeu d’action coopératif, bien fait, drôle par moments, mais incapable de dépasser son propre concept. C’est joli, mais pas inoubliable. C’est fluide, mais vite vu. C’est attachant, mais pas passionnant.
Et pourtant, on s’y attarde. Parce qu’il y a dans ce jeu une sincérité qu’on ne retrouve pas toujours. Une joie de brasser les souvenirs, de mélanger les mondes, de rendre hommage sans cynisme à ces personnages qu’on croyait oubliés. C’est un RPG de week-end, un jeu popcorn, une aventure à partager sans s’éterniser. Une étoile filante de pixels, pas tout à fait brillante, mais suffisamment étrange pour qu’on lève la tête en souriant.
Et dans un monde où Bob l’éponge peut lancer un sort de feu à côté de Katara pendant que Leonardo bloque une attaque de troll en citant Splinter… il serait malvenu de trop en demander.
MON AVIS
Nicktoons: The Dice of Destiny n’est ni un désastre, ni une révélation. C’est ce genre de jeu qui donne envie d’être aimé plus fort qu’il ne le mérite, simplement parce qu’il essaie — maladroitement, timidement, mais avec le cœur — de réunir des figures qu’on pensait incompatibles dans une aventure commune. Il manque d’ambition, trébuche souvent, répète trop. Mais il n’est jamais malveillant, ni cynique. Juste un peu feignant, parfois. Comme un spectacle de fin d’année trop long, où tous les personnages qu’on aime montent sur scène à tour de rôle, dans des costumes mal repassés, pour réciter leurs répliques. On sourit, on applaudit, et on oublie presque que la mise en scène ne tient pas debout. On est venu pour eux, après tout. Pas pour le chef-d’œuvre. Et ça, le jeu le sait très bien.
BIEN +
Points forts
- Un casting improbable et attachant
- Un multijoueur vraiment fun
- Une vraie sincérité dans l’humour
Points faibles
- Un potentiel énorme... utilisé avec la prudence
- Gameplay répétitif, loot oubliable, dés sous-exploités
- Pas de doublage en français, ce qui fait tache pour un jeu familial ultra accessible.
