Je me suis déjà battu contre des dieux, des zombies radioactifs, un monstre fait de tuiles Excel, et une IA qui me jugeait pour ne pas trier mes mails. Alors évidemment, quand un jeu me promet d’incarner Jeanne, une Fille du Roy perdue dans les bois, j’ai haussé un sourcil. Et puis un deuxième quand j’ai appris qu’on y alternait avec Maïkan, un jeune chasseur innu dans le Québec du XVIIe siècle. Pas de fusil à plasma ? Pas de combo finish ? Juste… de la forêt, du choc culturel et des dialogues ?
Bon. Essayons.
Plateformes : PC
Développeur : Affordance Studio Inc.
Éditeur : Unreliable Narrators, Indie Asylum
Sortie : 2 mai 2025
Two Falls — déjà, le titre. Poétique. Double lecture. Ambigu. Et surtout : rien à voir avec une cascade. On y suit donc Jeanne, fraîchement déportée de France dans un programme de colonisation bienveillant (lol), et Maïkan, qui vit peinard avec son peuple jusqu’à ce que tout parte en charpie. Chacun sa vision, son rythme, ses priorités.
Et c’est là que le jeu marque un point : les deux récits ne se contentent pas de coexister, ils se répondent. L’un regarde la forêt comme un piège moite et sans Wi-Fi, l’autre comme un monde vivant, à écouter. Le résultat ? Une tension constante entre méfiance et curiosité. Et franchement, c’est subtil, bien écrit, jamais lourd.

Concrètement, le gameplay est sobre. Trop sobre, diront les fans de roulades. C’est un walking simulator assumé. On se déplace lentement, on observe, on parle, on touche des objets dont l’utilité tient parfois plus du musée que du puzzle. Pas de levier à tirer en rythme. Pas d’énigme avec des runes fluorescentes. Juste… l’envie d’avancer, de comprendre, d’exister dans ce monde.
Et ça fonctionne. Parce que Two Falls fait confiance à ton intelligence. Tu n’es pas là pour sauver qui que ce soit. Tu es là pour regarder les choses s’effondrer doucement, puis peut-être recoller un peu ce qui peut l’être. C’est doux-amer, parfois très amer, et souvent juste beau.

Graphiquement, c’est du stylisé propre. Pas de ray tracing sur l’écorce des arbres, mais une cohérence esthétique indéniable. Le jeu n’essaie pas de faire réaliste, il essaie de faire juste. Et dans un jeu où le silence est un personnage, ça compte. Quelques panoramas décrochent même des “oh” intérieurs — vous savez, ceux qu’on ne dit pas à voix haute parce qu’on est seul, en chaussettes, devant un écran.
Côté son, c’est un festival de bois, de vent, de chants traditionnels autochtones et de nappes discrètes. L’ambiance est posée, posante et parfois poignante. Mention spéciale aux doublages : pas parfaits, mais crédibles, et surtout respectueux des langues parlées (innu-aimun inclus).

Il y a des jeux avec des scénarios profonds, nuancés, subtils. Et puis il y a Seafrog, qui te balance quelques scènes cryptiques entre deux niveaux, avec des personnages muets, des textes symboliques et des visuels dignes d’un musée moderne sous acide. C’est volontairement flou, souvent abscons, et complètement assumé. Si tu cherches de la narration classique, passe ton chemin. Si tu veux de la poésie amphibienne métaphysique, bienvenue.
Évidemment, tout n’est pas lisse. Quelques bugs de collision viennent parasiter l’expérience, des animations ont le charisme d’un flan tiède, et la structure très linéaire peut lasser ceux qui s’attendaient à “choisir leur voie” comme dans une pub pour un jeu mobile. Et soyons honnêtes : si vous venez pour l’action, vous allez mourir (d’ennui, pas dans le jeu).
Mais Two Falls ne triche pas. Il est lent parce qu’il veut que tu respires. Il est sobre parce qu’il veut que tu écoutes. Et il est imparfait parce qu’il est humain.
MON AVIS
Two Falls: Nishu Takuatshina, c’est un jeu qui te demande de poser la manette de temps en temps, juste pour écouter le vent. Un jeu sans explosion, sans boss final, sans exploit à partager en ligne. Mais c’est aussi un jeu qui parle de mémoire, d’identité, d’incompréhension, et de cette minuscule chance que les humains ont de s’écouter.
BIEN +
Points forts
- Deux points de vue brillamment tissés
- Une écriture fine, sans leçon de morale
- Représentation sincère et respectueuse des cultures
Points faibles
- Gameplay minimaliste
- Un rythme qui demandera patience et lâcher-prise
- Très linéaire malgré l’illusion du choix
Test effectué sur :
PC (Steam)