Je me suis réveillé dans un train. Ma main droite tenait un hot-dog. Ma main gauche une disquette de 3 pouces marquée « CODE DE LA VIE ». En face de moi, un homme sans paupières me récitait les paroles de La Lambada à l’envers. Puis une balle est entrée dans mon crâne comme dans du beurre tiède. Et là, The Drifter a commencé. Ou recommencé. Je sais plus. J’ai arrêté de compter après la cinquième mort.
Plateformes : PC
Développeur : Powerhoof, Dave Lloyd
Éditeur : Powerhoof
Sortie : 17 juillet 2025
Le jeu commence comme beaucoup de mauvaises journées : Mick Carter rentre chez lui après des années d’absence, un enterrement en guise de prétexte. Il prend le train, regarde distraitement les gens autour de lui, puis… une balle. Dans le crâne. Cut. Noir. Fin ? Non. Parce que Mick revient. Pas comme un zombie ou un revenant mystique, non. Il revient dans son propre corps, quelques secondes avant sa mort, avec tous les souvenirs de ce qu’il vient de vivre. Et il ne comprend pas. Comme vous. Et c’est là que The Drifter vous prend.

Développé par Powerhoof, un duo australien composé de Dave Lloyd et Barney Cumming, The Drifter a pris huit ans à voir le jour. Huit ans de pixel, de parano, de sueur — littéralement, puisqu’ils ont tout fait eux-mêmes : moteur maison (PowerQuest), code, animation, écriture, musique. Ce n’est pas un jeu, c’est un plan de carrière à deux doigts de virer en secte. Et pourtant, tout ça tient. Mieux : ça vibre.
Le pixel art, version sueur et goudron
Ce qui frappe d’abord, c’est l’ambiance. Visuellement, The Drifter ne cherche pas à plaire. Il suinte. Le pixel art est granuleux, épais, moisi par endroits. Chaque décor semble avoir été peint avec des mégots et des souvenirs. Les visages sont fatigués, les gestes secs, les couleurs comme passées au vinaigre. Et au lieu de repousser, ça attire. On veut rester là, dans cette boue, juste pour voir ce qu’elle cache.
Un scénario qui vous broie sans lever la voix
L’histoire refuse de vous rassurer. Pas de prologue explicatif, pas de journal de quête. Juste Mick Carter, qui meurt, revient, et comprend de moins en moins ce qui lui arrive. Le jeu prend un malin plaisir à brouiller les pistes : conspiration médicale, trip temporel, parano pure… on ne sait jamais vraiment où l’on met les pieds, mais chaque pas est un pas vers quelque chose de terrible. Et ça, c’est grisant.

La bande-son est un mix d’électro sous-marine survitaminée. Parfois trop présente, parfois juste parfaite, elle colle à l’action comme une ventouse de poulpe. Les bruitages sont minimalistes mais efficaces : chaque saut, chaque impact, chaque explosion sonore participe à cette ambiance de chaos organisé.

Le silence, c’est encore ce qui fait le plus de bruit
Et puis il y a la musique. Furtive, sombre, rampante. Jamais intrusive, toujours oppressante. Elle ne vous accompagne pas, elle vous observe. Elle colle aux murs comme la moisissure. Quelques nappes synthétiques, deux ou trois notes suspendues, et voilà que l’angoisse monte sans qu’on sache pourquoi. Un travail sonore d’une rare justesse, qui mérite qu’on joue au casque, lumière éteinte, téléphone jeté par la fenêtre.
La fin, cette promesse jamais tenue
Tout ça aurait pu déboucher sur un final dantesque. Mais non. The Drifter préfère glisser vers la sortie en douce, sans répondre à tout, sans faire de bruit. C’est frustrant, un peu, surtout après une montée aussi bien gérée. Certains personnages s’évanouissent dans le décor, comme s’ils n’avaient jamais vraiment été là. Peut-être que c’est voulu. Peut-être que c’est juste un manque de temps. En tout cas, c’est là.
Un dossier refermé avec des gants
Quand les crédits défilent, on reste un moment à fixer l’écran noir. Pas parce qu’on cherche une scène post-générique, mais parce qu’on se demande ce qui vient de nous arriver. The Drifter n’est pas un jeu qu’on termine, c’est un jeu qui s’échappe. Une histoire de sang, de mémoire et de boucle sans issue. Un cauchemar raconté avec classe. Et parfois, c’est tout ce qu’on demande.
MON AVIS
The Drifter ne cherche pas à révolutionner le genre, ni à flatter le joueur. Il ne vous fait pas de clins d’œil, ne vous tient pas la main, ne vous remercie pas d’être venu. Il vous balance dans une mare de bitume narratif et vous laisse nager comme vous pouvez. Et pourtant, on en redemande. Parce qu’il y a quelque chose d’humain, de brut, de presque touchant derrière toute cette crasse. Comme si quelqu’un, au fond du pixel, essayait encore de comprendre pourquoi tout part toujours en vrille. Ce n’est pas un jeu qu’on recommande à tout le monde.
EXCELLENT
Points forts
- Une ambiance pixel cradingue et viscérale
- Un scénario tendu, qui ne perd jamais le fil
- Une bande-son discrète mais suffocante
Points faibles
- Une fin expédiée, presque gênée d’en être une
- Des persos secondaires qu’on oublie aussi vite qu’on les croise
- Quelques passages trial-and-error qui cassent la tension
Test effectué sur :
PC (Steam)