Rien de tel qu’un séjour dans l’Alaska des années 60 à 70, parce que si le froid glacial ne vous gèle pas l’âme, l’horreur psychologique s’en chargera. On incarne Carter, un scientifique qui, après ce qui pourrait être soit la pire nuit de sommeil de sa vie, soit un cocktail raté d’expériences interdites, se réveille seul au milieu des décombres d’un laboratoire. Équipé de sa fidèle lampe de poche – qui semble aussi robuste qu’une bougie d’anniversaire – il se lance à la recherche de survivants, ou à défaut, de quelqu’un qui n’ait pas encore complètement perdu la raison.
Le jeu offre une sélection de lieux à explorer depuis un campement qui donne sûrement l’impression de pouvoir s’envoler au moindre coup de vent. Entre les laboratoires où même les ombres semblent vous juger, les mines qui crient « abandonnez tout espoir », et la forêt qui a vu de meilleures décennies, Carter est bien servi.
Chaque sortie ressemble moins à une mission scientifique qu’à une tentative de collectionner des traumatismes. Il y a cette petite voix dans le dos qui murmure : « Pourquoi ne pas rester au camp et commencer à tricoter un pull ? » Mais non, Carter persiste. La lampe qui consomme des piles comme un marathonien carbo-loading, l’ambiance oppressante, et la quête de réponses qui se révèlent de plus en plus cryptiques, tout y est pour se dire que finalement, la folie, ce n’est peut-être pas si mal comparée à ce cauchemar éveillé.
Dans Edge of Sanity, la chasse aux survivants n’est pas une partie de plaisir. Il ne suffit pas de fouiller sous chaque planche branlante ou dans chaque placard poussiéreux. Une fois trouvé, convaincre un survivant de vous suivre est un art en soi. Oubliez les poignées de main chaleureuses et les discours motivants ; ici, il faudra plutôt se lancer dans des dialogues tendus ou dégoter un objet qui prouve qu’on n’est pas complètement timbré. Et une fois l’âme égarée ramenée au camp, c’est un peu comme gérer un club de camping apocalyptique : cuisine, bricolage, ou corvée de citerne, chacun a sa tâche, sinon c’est la fin.
Les survivants, bien que réticents, peuvent se montrer utiles en allant faire un peu de reconnaissance. Ils débloquent de nouveaux lieux et permettent de gratter les fonds de tiroir de la civilisation pour les dernières miettes de ressources avant de tourner la page. Quant à la collecte desdites ressources, c’est un mélange de fouilles frénétiques et de casse-têtes agaçants avec des cadenas qui ne s’ouvrent que grâce à un code trouvé après avoir fouillé le bon vieux coin sombre du labo.
Le vrai charme du jeu réside dans la gestion des ressources. Elles servent non seulement à nourrir vos nouveaux copains du camp mais aussi à améliorer l’endroit. Débloquer des schémas de fabrication pour des gadgets comme des grenades et des appâts semble fun, jusqu’à ce que le mot « rationnement » commence à hanter vos nuits.
Mais là où Edge of Sanity se démarque, c’est dans sa gestion de la folie. Plus le temps passe, plus votre personnage flirte avec la démence, un petit bonus gratuit pour pimenter l’expérience. Les visions fantomatiques démarrent tôt, et bientôt, la réalité se mélange à des hallucinations grotesques qui rendent difficile de distinguer le vrai du faux. Selon la difficulté, la folie vous dévore à des rythmes différents, histoire de bien vous rappeler que l’apocalypse, c’est sympa, mais la perte de la santé mentale, c’est mieux.
Malgré un univers lovecraftien magnifiquement dessiné à la main et une ambiance réussie avec ses touches psychédéliques et ses clins d’œil à Cthulhu, le jeu souffre de quelques écueils. Le décor et le bestiaire manquent de diversité, et le sentiment de répétitivité finit par s’installer. On se demande parfois si Carter n’est pas simplement en train de revisiter le même vieux laboratoire repeint avec un peu plus de poussière. Malgré cela, la tension de la survie est bien présente, et le jeu parvient à maintenir l’engagement, même si le joueur risque parfois de souhaiter un peu plus de surprise que des tentacules et des hallucinations.
Lorsque j’ai démarré Edge of Sanity, je pensais plonger dans un énième jeu de survie, peut-être un peu cliché, où l’on cherche des boîtes de conserve dans des ruines poussiéreuses. Mais non, j’étais loin d’imaginer l’aventure immersive qui m’attendait. Rapidement, je me suis laissée happer par cet univers lovecraftien qui me rappelait pourquoi l’expression « perdre la tête » existe.
L’un des aspects qui frappe dès le début, c’est l’ambiance incroyablement réussie. On pourrait presque sentir l’humidité glacée des laboratoires abandonnés et l’écho des pas résonnant dans les mines où l’air est lourd de secrets. La direction artistique n’y est pas pour rien : ce style graphique dessiné à la main, sombre et riche en détails, donne l’impression que chaque recoin cache un indice ou un murmure de folie. Ajoutez-y quelques touches psychédéliques, et voilà que même Carter, votre personnage, semble se demander pourquoi il n’a pas choisi un métier plus simple, comme vendeur de crème glacée en Alaska.