On vous a déjà raconté une histoire qui vous laisse une odeur dans les narines ? Celle de la suie, du vieux papier, et de la pluie battante contre les vitres d’un orphelinat anglais ? Une histoire où les lapins ne sont pas mignons, où les fenêtres grincent un peu trop fort, et où chaque mouvement semble dessiné à la main par quelqu’un qui a passé sa vie à murmurer « encore une frame… » ?
Bienvenue dans Bye Sweet Carole.
Plateformes : Nintendo Switch, PC (Microsoft Windows), PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One, Xbox Series X|S
Développeur : Meangrip Studios , Little Sewing Machine
Éditeur : Maximum Entertainment
Sortie : 9 octobre 2025
Un jeu comme on n’en fait plus — parce qu’on n’ose plus, parce qu’on n’a plus le temps — et qui choisit de tout faire à la main. Oui, littéralement. Frame par frame. Un jeu qui, à défaut de vous bousculer les pouces, vous froisse l’âme doucement. Et qui le fait avec la grâce d’un livre illustré hanté.
Développé par Little Sewing Machine, mené par Chris Darril (déjà à l’œuvre sur Remothered), Bye Sweet Carole n’est pas une vitrine technologique. C’est un atelier de reliure animé, une pièce de théâtre dessinée où chaque décor, chaque personnage, chaque mouvement est animé à la main, avec une patience d’un autre siècle.
Sur le blog PlayStation, Darril explique : “Chaque frame a été nettoyée, colorisée, vérifiée. On a suivi le processus complet d’un long-métrage animé des années 90.” Résultat : une fluidité étrange, presque organique, comme si les personnages respiraient avec vous, comme si la lumière elle-même hésitait à tomber sur eux.
Les références sautent aux yeux : Don Bluth, Watership Down, The Secret of NIMH, mais aussi des jeux comme Heart of Darkness (1998) ou Clock Tower. Sauf qu’ici, on ne vous pousse pas à courir. On vous pousse à observer. À écouter les murs. À regarder le vent soulever une lettre au sol.
Lana est une jeune orpheline jetée dans un monde parallèle, celui de Corolla. Un royaume tordu de souvenirs brisés, de lettres envolées, et de lapins menaçants. Son objectif : retrouver Carole — ou peut-être simplement lui dire au revoir. Le jeu vous guide dans cette quête avec la lenteur d’un cauchemar lucide, où chaque pièce semble vous reconnaître sans jamais vous saluer.
Le récit est baigné d’une tristesse élégante, très “conte cruel” : on pense à Coraline, bien sûr, mais aussi à Pan’s Labyrinth, à cette magie sombre qui se faufile dans les recoins du réel sans jamais crier gare. La mise en scène ne cherche pas l’effet choc, mais le frisson permanent, le malaise doux, presque beau. Même les monstres semblent tristes de devoir vous faire peur.
Là où beaucoup se trompent, c’est en attendant un jeu d’action ou de plateforme nerveux. Non. Bye Sweet Carole est avant tout un jeu d’aventure narratif, un point & click déguisé en film d’animation maudit, où l’on clique pour interagir, inspecter, activer un levier, lire une lettre, résoudre une énigme.
Il y a bien quelques passages de plateforme légère — sauter d’un rebord à l’autre, se cacher, grimper — mais ils sont intégrés comme des respirations dans la narration. Ce qui compte ici, ce n’est pas le challenge, mais le rythme du récit, la cohérence du geste. Le gameplay est volontairement discret, presque effacé, pour mieux laisser la place au regard, à la musique, à la voix du décor.
On retrouve d’ailleurs des mécaniques classiques de point & click : inventaire contextuel, interaction par observation, résolutions d’énigmes visuelles simples. Mais tout cela dans une mise en scène ultra fluide, sans menu apparent, sans friction. Un livre qui se feuillette en vous absorbant.
MON AVIS
Bye Sweet Carole n’est pas un jeu qu’on termine. C’est un jeu qu’on traverse, comme une vieille maison où chaque porte claque un peu trop doucement. C’est une histoire qu’on aurait trouvée dans une malle en bois, sous un drap, avec une lettre datée de 1903. C’est un hommage à l’animation à la main, oui, mais aussi à la lenteur, à la peur élégante, à l’enfance qui ne revient jamais vraiment.
EXCEPTIONNEL
Points forts
- Une direction artistique absolument magistrale
- Un rythme contemplatif et assumé
- Une ambiance gothique et mélancolique
Points faibles
- Le gameplay peut sembler trop simple ou lent à qui cherche du défi ou du rythme soutenu
- Quelques allers-retours pas toujours bien signalés.
- Certaines voix anglaises un peu en dessous du reste
Test effectué sur :
PC (Steam)
