Un soir de novembre, quelque part entre une boîte de lasagnes surgelées et une playlist lo-fi chill F1 pitstop ambience, un homme en survêt a eu une vision : et si on ressuscitait la vraie simu auto ? Celle qui sent l’huile, le stress pré‑qualif et la pédale d’embrayage mal réglée.
Il a pris un crayon. Il a dessiné une voiture. Elle avait des roues. Et beaucoup d’ambition.
Quelques mois plus tard, naissait Project Motor Racing.
Et tout le monde a crié en chœur : « On tient peut-être le successeur de Project CARS 2. »
Puis le jeu est sorti.
Et tout le monde a crié en chœur : « Ah. »
Plateformes :PC, PlayStation 5, Xbox Series X|S
Développeur : Straight4 Studios
Éditeur : GIANTS Software
Sortie : 25 novembre 2025
À la première course, on ne comprend pas encore. Le jeu est propre, pas trop moche, l’interface est sérieuse, les menus ne crient pas en néon. Et puis le moteur rugit. Enfin, il toussote un peu, mais on sent un effort. Sur le papier, tout est là : un mode carrière, des voitures par dizaines, des vraies, des classiques, des modernes, de l’endurance, du GT3, des prototypes. Ça sent le projet de passionnés, de ceux qui alignaient des tours sur rFactor un dimanche pluvieux, à la recherche du feeling parfait entre grip et gravité.
Mais très vite, tout tangue. Le freinage flotte. Le retour de force hésite entre flan gauche en mer et enclume métallique. La direction fait mine de répondre, puis change d’avis. L’IA, quant à elle, ne vous voit pas. Elle traverse votre ligne, vous découpe à l’intérieur, puis continue sa vie, sereine comme une intelligence artificielle née dans un rond-point. L’immersion prend un coup. L’espoir aussi.
On râle, mais on persiste. On change de voiture. On en trouve une, une seule, qui tient un peu mieux la route. On la pousse, on la titille. Et là, miracle : une sensation. Un vrai virage. Une glissade contrôlée. Un transfert de masse qui fait vibrer le siège. Un moment pur, rare, précieux. Le genre de moment qui fait qu’on aime ce genre de jeu. Le genre de moment qui fait qu’on pardonne.
Parce qu’au fond, on sent que ce n’est pas un jeu fainéant. Ce n’est pas un produit lancé au forceps, emballé dans un trailer flashy et laissé à l’abandon comme une vieille Clio sur un parking d’autoroute. Project Motor Racing, c’est un jeu qui se plante, oui, mais qui se relève. Les développeurs sont là. Ils répondent. Ils corrigent. Ils patchent, parfois plusieurs fois par semaine. Ils reconnaissent les erreurs, s’excusent, promettent, tiennent parole. Ils sont dans le garage, tournevis à la main, genoux sales. Et ça, dans le jeu vidéo moderne, c’est devenu rare. C’est devenu presque émouvant.
On l’a vu évoluer. Dès les premiers jours, le feedback a été pris en compte. Les GT3 ont été retouchées. Les LMDh aussi. Le retour de force, rééquilibré. L’IA, moins meurtrière, même si elle garde encore des instincts d’extinction collective. Les dégâts ont été affinés. Le jeu est devenu plus stable, plus fluide, moins sujet aux crashs absurdes ou aux comportements lunaires. Ce n’est pas encore une référence, mais ce n’est plus un cauchemar.
La carrière, elle, reste une belle idée mal exécutée. Gérer son équipe, choisir ses contrats, entretenir ses véhicules, avancer dans les catégories… tout ça sent bon le fantasme du pilote‑manager. Mais entre les coûts de réparation délirants, les erreurs de pénalités et les comportements étranges de l’IA, on passe plus de temps à se refaire qu’à progresser. On rêve d’une montée en puissance, on obtient un simulateur de précarité où chaque course devient une épreuve de survie administrative.
Graphiquement, ce n’est pas honteux. Ce n’est pas beau non plus. C’est propre. Fonctionnel. Parfois fade. Les voitures sont bien modélisées, mais les circuits manquent de vie, les éclairages de nuance, les ombres de profondeur. L’ambiance générale évoque plus un simulateur en salle grise qu’un week‑end à Spa sous la pluie. On sent que ce n’est pas la priorité. On sent surtout qu’il y a mieux à faire ailleurs.
Et pourtant, malgré tout, on l’aime un peu, ce jeu cabossé. On y retourne. On relance une course. On essaie une nouvelle voiture. On peste, on râle, on rigole. Parce qu’on sent que derrière les lignes de code, il y a des humains. Des passionnés. Des types qui veulent bien faire. Qui n’ont pas abandonné leur création au premier accrochage. Qui y croient encore.
Alors non, Project Motor Racing n’est pas encore un grand jeu. Il n’est pas encore même un bon jeu. Mais il est en train de le devenir. Et dans un monde où tant de jeux sortent en kit et meurent dans l’indifférence générale, ça compte. Ça veut dire quelque chose.
Ce n’est pas une révolution. Ce n’est pas une renaissance. C’est une tentative. Et elle mérite notre attention. Peut-être pas notre argent tout de suite. Peut-être pas nos louanges. Mais un regard. Un œil bienveillant. Et, pourquoi pas, une prière silencieuse, casque vissé, regard droit, pneus chauds.
Un jour, on prendra ce même jeu, version 2.0, on lancera une course, et on dira simplement : « C’est bon maintenant. Il est arrivé. »
Mais pour l’instant, il roule encore. Et il essaie. C’est déjà plus que beaucoup.
BIEN +
Points forts
- On sent une vraie passion derrière chaque correctif
- Quelques voitures, bien réglées, offrent enfin de vraies sensations
- La compatibilité cockpit, les patchs rapides, le suivi constant
Points faibles
- La physique reste une science occulte : parfois brillante, souvent incohérente, toujours imprévisible
- L’IA a fait des progrès, mais reste capable de vous envoyer dans le décor sans même vous regarder dans les yeux






