Sur l’île de Yōtei, il ne reste plus grand-chose.
Des temples effondrés, des seigneurs corrompus, quelques chants portés par le vent — et elle.
Atsuko. Un nom prononcé à voix basse, une silhouette droite dans un monde penché.

Ghost of Yōtei n’est pas un jeu qui parle fort.
C’est un jeu qui marche droit. Lentement. Méthodiquement.
Et qui, à chaque pas, murmure une histoire de vengeance, de beauté, et de solitude.

Informations du Jeu

Plateformes : PS5

Développeur : Tucker Punch

Éditeur : PlayStation Studio

Sortie : 2 octobre 2025

Atsuko revient sur l’île de Yōtei pour effacer le passé à coups de katana. Six noms sur une liste, six seigneurs corrompus, six duels stylisés. Oui, Kill Bill n’est jamais bien loin. Mais ici, pas de bottes en cuir ni de monologues tarantinesques : la vengeance est une cérémonie. Et le sang, une matière première.

Le jeu déploie sa vendetta dans un monde semi-ouvert somptueux, où chaque colline semble peinte à la main et où le vent a manifestement été dirigé par un ancien moine zen. C’est superbe, c’est mélancolique, c’est souvent très lent. Mais c’est une lenteur qui a du style.

Là-dessus, rien à dire : c’est splendide. Des forêts violettes aux falaises brumeuses, chaque zone semble peinte au pinceau japonais. La mise en scène est précise, souvent superbe. Il suffit parfois de s’arrêter, de poser la manette, et de regarder la lumière danser sur les toits de tuile. Chaque panorama est une estampe mouvante, chaque village une carte postale tragique.

Le jeu propose plusieurs modes graphiques : Qualité (résolution 4K, 30 FPS), Performance (60 FPS stable, mais textures légèrement atténuées), Ray Tracing (ombres et lumières plus naturelles), et sur PS5 Pro, un mode Ray Tracing 60 fps. Les temps de chargement sont quasiment inexistants. La DualSense ronronne au moindre pas dans la neige, comme si la console elle-même méditait.

En revanche, certains visages secondaires ont ce petit air figé de figurant numérisé à la va-vite. Mais ce genre de détail se fait vite oublier quand on contemple un coucher de soleil entre deux lames dégoulinantes.

La prise en main est épurée, tendue, précise. Plusieurs styles de sabres, des armes secondaires, quelques gadgets discrets. On ne roule pas partout : ici, on jauge, on frappe, on se tait. Le système de combat est une danse sanglante à deux temps : un pour regarder, un pour trancher. Les duels sont sobres, souvent somptueux. Chaque ennemi important a son intro, sa posture, sa dernière arrogance. Le joueur, lui, a sa patience.

Et puis il y a l’option « Takashi Miike ». Oui, elle existe vraiment dans les menus. Une option dédiée à celles et ceux qui trouvent que la pluie de sang dans Ichi the Killer était un peu trop timide. Chaque coup déclenche un geyser, chaque mise à mort repeint l’écran. C’est grotesque. C’est jouissif. C’est totalement optionnel… donc indispensable. On peut même choisir la couleur du sang. Rouge classique, noir dramatique, blanc spectral. L’esthétique devient ici un paramètre aussi important que la compétence.

L’île est divisée en zones semi-ouvertes, débloquées au fil de la progression. Une bonne idée : on évite la carte surchargée façon tableau de bord d’un satellite russe. Moins bonne dans l’exécution : les activités secondaires tournent vite en rond. Camp à libérer, villageois à sauver, groupe d’archers à désosser, stèle à contempler, haïku à écrire sous la pluie. Tout est bien fait. Rien n’est surprenant. On finit par reconnaître les schémas avant même que l’icône n’apparaisse sur la carte. Le pire, c’est que ce n’est jamais désagréable. Juste tiède. Un peu comme une cérémonie du thé où l’on aurait remplacé l’eau par du bouillon de légumes.

Comptez une trentaine d’heures pour la trame principale, une dizaine de plus pour tout découvrir. Le jeu ne pousse pas à l’épuisement, il invite à la lenteur. Certains parleront de vide. D’autres de respiration. Les plus honnêtes parleront d’un peu des deux. On progresse sans douleur, mais sans feu sacré non plus. C’est une balade rituelle dans un jardin zen, où chaque gravier est à sa place, mais où il manque parfois un brin de chaos.

La première heure intrigue, la deuxième captive, la dixième révèle le vrai visage du scénario : une écriture soignée, mais une intrigue convenue. On comprend vite où cela va, et malheureusement, on y arrive sans accélérer le pas. Les Six de Yōtei manquent d’épaisseur. Chacun a droit à son petit monologue, son combat ritualisé, sa couleur dominante. Mais aucun ne marque vraiment. La fin se devine trop tôt. Et quand elle arrive, elle n’est ni belle, ni violente, ni tragique. Elle est là. Comme une date limite. Cela reste bien écrit, avec quelques retournements bien placés, et des dialogues sobres mais efficaces. Mais on attendait un sabre. On reçoit un couteau à beurre. Poli, certes. Mais un couteau à beurre quand même.

Difficile de ne pas penser à Kill Bill. Une femme en quête de sang, une liste, des noms à barrer. Le parallèle est évident. Mais là où Tarantino éructe, Ghost of Yōtei médite. Pas de bavardages inutiles, pas de flashbacks absurdes : seulement une marche lente vers une vengeance qui ne libère personne. Atsuko ne parle pas. Elle tranche. Et c’est peut-être là sa plus grande force. La tenue jaune est là (si l’on fouille un peu dans les tenues rares), les affrontements sont stylisés, et les victimes tombent avec la dignité d’un vieux cerisier qu’on aurait trop taillé. Pas besoin de guitare surf. Le silence suffit.

MON AVIS
Ghost of Yōtei est un jeu qu’on admire autant qu’on questionne. Un chef-d’œuvre visuel, un combat stylisé, une atmosphère mélancolique comme un poème sans rimes. Mais aussi un scénario trop lisse, une structure répétitive, et une impression persistante qu’il manque quelque chose. Pas grand-chose. Juste une étincelle.

 

TRÈS BIEN

Critique

Points forts

  • Une direction artistique à encadrer.
  • Des duels stylisés, sobres, puissants
  • L’option Takashi Miike, sanglante comme il faut

Points faibles

  • Scénario trop sage, fin prévisible
  • Activités annexes sans surprise
  • PNJ parfois amorphes, quêtes qui buggent à l’occasion