GLOOMY EYES

Au départ, je voulais juste adopter un cactus. Pas un vrai, hein, un de ceux qui vivent dans des terrariums éco-luminescents sur Instagram, avec un petit prénom écrit en lettres cursives. Et puis je me suis souvenu que tout ce que je touche finit par mourir, même les plantes artificielles. Alors, en désespoir de cause, j’ai lancé Gloomy Eyes, pensant y trouver un peu de réconfort gothique. Je ne m’attendais pas à ce qu’un garçon-zombie et une gamine à capuche me réconcilient avec le concept de lumière.

Car Gloomy Eyes, c’est un peu comme une lanterne posée dans un cimetière : on sait qu’elle va s’éteindre, mais tant qu’elle brille, on la regarde avec une tendresse étrange.

Informations du Jeu

Plateformes : PC, Switch, Xbox, PS5

Développeur : Atlas V, Be Revolution Gaming, 3Dar, Fishing Cactus, ARTE France

Éditeur : ARTE France, Untold Tales

Sortie : 12 septembre 2025

Le postulat est simple : dans un monde où le soleil a disparu (ce qui, pour un Breton, s’appelle juste « janvier »), les morts sortent de leurs tombes, mais ne sont pas tous mauvais. Gloomy, petit garçon à moitié décomposé, a un cœur plus chaud que bien des vivants. Il rencontre Nena, humaine intrépide et un peu inconsciente, et ensemble ils vont tenter de faire ce que tous les couples mixtes tentent de faire depuis la nuit des temps : se comprendre malgré leurs natures opposées.

Ce conte d’ombres et de chair morte prend vie dans un diorama tournant, un petit théâtre de brume et de racines, où chaque tableau est une scène miniature que l’on fait pivoter comme un globe terrestre hanté. C’est beau. C’est même très beau. À mi-chemin entre Tim Burton, Little Nightmares et une pub de parfum un peu trop arty. Les animations sont lentes, soignées, presque sensuelles. On a parfois l’impression d’être dans une boîte à musique conçue par un taxidermiste romantique.

Le gameplay repose sur l’alternance entre les deux protagonistes. Gloomy, vulnérable à la lumière, doit se cacher. Nena, vulnérable aux zombies, doit éviter leurs crocs. Les niveaux sont donc une série de petits casse-têtes narratifs où l’on jongle entre les deux, pour débloquer des mécanismes, pousser des objets ou distraire des ennemis. Ce n’est jamais difficile, parfois un peu capricieux, mais toujours cohérent avec l’ambiance.

C’est une forme de coopération solitaire — comme jouer à It Takes Two avec un miroir. On se surprend à murmurer « attends-moi là » avant de changer de personnage, ce qui est étrange, puisque c’est toujours nous. À croire que Gloomy Eyes cherche à nous faire éprouver ce que c’est que d’aimer une autre partie de soi-même.

La narration omniprésente, chuchotée dans un anglais doux et rêveur (doublé en français avec moins de charme mais plus de clarté), accompagne chaque geste. Elle raconte le passé, les émotions, les espoirs. Parfois, elle en fait trop. Parfois, elle touche juste. Comme un oncle un peu ivre qui décide de vous lire du Prévert un soir d’enterrement.

Certains y verront un excès de pathos. Moi, j’y ai vu une tentative sincère d’ajouter de l’épaisseur à un jeu qui aurait pu se contenter d’être mignon. Il y a dans Gloomy Eyes une mélancolie contrôlée, une pudeur dans l’horreur, une douceur dans la décrépitude. Pas évident, quand on parle d’un gamin qui perd des morceaux de peau.

Tout n’est pas parfait. Les angles de caméra sont parfois aussi capricieux qu’un esprit frappeur en pleine grève. On tourne la scène, on zoome, on peste. Certains éléments sont difficilement visibles, et le level design se repose un peu trop souvent sur les mêmes ficelles.

Et puis il y a ces bugs légers, ces petits ratés de collision, ces personnages qui se bloquent parce qu’on a eu l’audace de les placer dans un coin un peu exigu. Rien de dramatique, mais ça rappelle que sous le vernis artistique, il y a du code qui tousse un peu.

Enfin, la durée du jeu — environ 3 heures — pourra frustrer ceux qui s’attendaient à une aventure plus dense. Mais ce serait comme reprocher à un haïku de ne pas être un roman.

MON AVIS
Gloomy Eyes ne changera pas le monde. Il ne renversera pas les codes du puzzle narratif ni ne fera trembler les murs du panthéon vidéoludique. Mais il s’en fiche. Ce qu’il veut, c’est vous murmurer une histoire. Une histoire d’ombres et de lumière, de solitude partagée, de mondes qui ne devraient pas se croiser mais le font quand même.

Et quand, à la toute fin, la dernière scène s’éteint, on ne se dit pas « j’ai fini un jeu », mais plutôt : « Je viens de refermer un très joli cercueil. »

TRÈS BIEN

Critique

Points forts

  • Un style visuel gothique irrésistible
  • Une narration sensible qui ne craint pas l’émotion
  • Le gameplay “solo-coop” simple mais attachant.

Points faibles

  • Caméra parfois frustrante et lisibilité moyenne de certains éléments
  • Quelques bugs de collision ou de scripts bloquants
  • Trop court pour ceux qui espéraient une aventure plus charpentée
Console du Test

Test effectué sur :

PS5

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